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Le paiement sur paiement

Il est de connaissance générale qu’il y a lieu d’être diligent dans le cadre des relations d’affaires. Notamment, lorsqu’une personne bénéficie d’une créance personnelle à l’encontre d’un débiteur, ladite créance s’éteint par l’effet de la prescription extinctive triennale prévue à l’article 2925 du Code civil du Québec 1. Par exemple, si A prête une somme de 10 000 $ à B remboursable au terme d’un an, A aura trois ans à compter de l’expiration du terme pour entreprendre un recours en justice contre B en réclamation de la créance, à défaut de quoi, A perdra son droit de le faire. Dès lors, il est crucial pour le créancier de convenir avec le débiteur d’un terme de remboursement réaliste pour ce dernier, afin d’éviter d’être forcé de réclamer dans un contexte juridique.

Parfois, la clause de paiement sur paiement est un moyen, pour les parties à une entente, de prévoir un terme plus réaliste. Le nom de cette clause en explique la portée : le débiteur s’engage à payer le créancier, non pas à une date précise, mais bien à la réalisation d’un événement, en l’occurrence de paiement d’un tiers.

Dans le cadre d’un contrat écrit, ce type de clause doit être rédigé avec précision puisque son interprétation peut varier en fonction de l’inter- prétation des parties. D’une part, le débiteur peut s’engager à payer à condition d’être payé par un tiers, auquel cas l’événement évoqué dans la clause est un événement incertain. Dans ce cas, la naissance de l’obligation de rembourser n’est que condition- nelle à la survenance de l’événement et peut donc être évitée si l’événement ne se réalise pas 2. D’autre part, le paiement du tiers peut être perçu comme

un événement plus certain en ce que, en cas du défaut du tiers de payer, l’obligation de rembourse- ment deviendra exigible au moment où le paiement du tiers survient ou aurait dû raisonnablement survenir 3. L’importance d’une bonne rédaction de ce type de clause est d’ailleurs relatée dans un arrêt de la Cour d’appel 4.

Mais qu’arrive-t-il en l’absence d’une convention écrite claire ? Dans un jugement récent de la Cour Supérieure, l’Honorable juge Marc St-Pierre, J.C.S. 5, a conclu que, même en l’absence d’une conven- tion écrite à cet effet, il est possible de démontrer l’intention des partenaires d’affaires à l’effet que des sommes prêtées ne soient remboursables qu’à l’obtention de profits issus de l’exploitation de l’entreprise projetée.

Dans cette affaire, les parties étaient impliquées dans un partenariat ayant pour but le développe- ment de projet immobiliers importants. En début de partenariat, une des parties, par l’entremise de ses sociétés, avait prêté des sommes additionnelles sous forme d’avance au bénéfice personnel de l’autre partenaire, le tout garantie au moyen d’une hypothèque. Le premier prêt avait été octroyé en 2007, et les procédures n’ont été entreprises qu’en 2016, à l’issue de la fin de la relation d’affaires. La partie averse invoquait la prescription des créances. Or, au procès, la preuve présentée relatait une intention claire des parties d’attendre la réalisation des profits escomptés pour régler leurs comptes. Ainsi, le juge St-Pierre a écarté l’argument sur la prescription grâce à la preuve de l’entente de paiement sur paiement.

Dans un contexte de partenariat d’affaires où un des partenaires avance des sommes au-delà de l’entente entre les parties, nous vous invitons à consulter vos conseillers juridiques pour protéger vos droits, que ce soit en amont ou en aval

1 Des exceptions à ce principe s’appliquent. Pour plus de détails, nous vous invitons à consulter votre conseiller juridique
2 1497 et ss. C.c.Q.
3 1510 C.c.Q.
4 Design & Construction Giffels Québec inc. c. Excavation Yelle inc., 2016 QCCA 256
5 Coprim inc. c. Chatila, 2019 QCCS 345

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