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Implications juridiques et fiscales du retrait des pouvoirs du conseil d’administration

Il arrive fréquemment que les actionnaires d’une société veuillent exercer un rôle plus actif dans les affaires internes de l’entreprise. À cet effet, la loi québécoise 1 et la loi canadienne 2 permettent aux actionnaires de restreindre ou de retirer totalement les pouvoirs du conseil d’administration (ci-après « CA ») afin de les exercer eux-mêmes. Ce choix est également offert à l’actionnaire unique désirant simplifier l’administration de sa compagnie et prendre toutes les décisions.3 Or, lorsque les actionnaires ou l’actionnaire unique ne sont pas des résidents canadiens, ce choix n’est pas sans considérations aux niveaux légal et fiscal.

Tout d’abord, la loi canadienne exige qu’au moins 25% des membres du CA soient des résidents canadiens et que l’administrateur unique le soit 4. Cette obligation normalement imposée au CA doit être considérée par les actionnaires ou l’actionnaire unique exerçant tous les pouvoirs du CA car elle leur est dévolue. Seule la loi québécoise est exempte de restriction à ce sujet. Ainsi, les actionnaires d’une société régie par la loi québécoise, exerçant tous les pouvoirs du CA, peuvent être non-résidents canadiens.

De plus, si les actionnaires ou l’actionnaire unique retirent les pouvoirs du CA, ils deviennent chargés de ses droits et responsabilités.5 Par exemple, les administrateurs sont personnellement responsables des salaires impayés pour les 6 mois précédant l’insolvabilité de la société. Ils sont aussi responsables de la remise des déductions à la source et des taxes de vente aux autorités gouvernementales.

Si les actionnaires se saisissent des pouvoirs du CA, ils seront responsables du paiement de ces sommes, le cas échéant. Cependant, il est important de noter qu’une décision phare de la Cour d’appel du Québec a établi qu’il faut se pencher sur les personnes exerçant réellement le contrôle, la gestion et la prise de décision pour établir à qui incombe la responsabilité. 6 En pratique, si de telles personnes exercent un contrôle réel ou un rôle de gestion le moindrement important, il sera prudent d’envisager qu’elles souscrivent à une assurance-responsabilité des administrateurs, communément appelée « D&O » en Amérique du Nord et ce, même si elles n’occupent pas officiellement le rôle d’administrateur.

Au niveau fiscal, le choix des actionnaires de retirer et d’exercer les pouvoirs du CA peut s’avérer désavantageux. En effet, bien que la loi établisse qu’une société constituée au Canada après le 26 avril 1965 est présumée y résider, la règle générale de droit veut que la résidence fiscale d’une société se situe à son centre de contrôle réel des affaires. Ainsi, une société administrée par des actionnaires étrangers pourrait ne pas avoir la qualification de résidente canadienne, société canadienne ou société privée sous contrôle canadien au sens des lois fiscales. Conséquemment, cette société ne pourra bénéficier de certaines réductions d’impôts, déductions fiscales ou règles favorables de réorganisation corporative.

Dans ce contexte, il est important d’analyser attentivement les portées légale et fiscale qu’entraine le retrait des pouvoirs du CA par des actionnaires étrangers. Nous vous invitons à consulter vos conseillers juridiques pour faire ce choix de la manière la plus bénéfique pour vous et votre entreprise.

1 Loi sur les sociétés par actions, RLRQ, c. S-31.1 (LSA)
2 Loi canadienne sur les sociétés par actions, LRC, c. C-44 (LCSA)
3 213 et 216 LSA; 146 LCSA
4 105 (3) LCSA
5 214 LSA
6 Allard c. Myhill, 2012 QCCA 2024
7 Des exceptions à ce principe s’appliquent. Pour plus de détails, nous vous invitons à consulter votre conseiller juridique

Rayhane Jelti

Avocate

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